“Le sexe en tant que travail et le travail du sexe”
April 12, 2021
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Il n’y a pas si longtemps de cela, j’ai lu un article (ici) intitulé « Le sexe en tant que travail et le travail du sexe » qui m’a autant interpellé que dérangé à la fois.

Bien que, dans ma vision biblique du monde, l’intention originelle de la relation sexuelle soit la communion totale de deux personnes dans leur amour partagé, avec comme aboutissement possible la conception d’un enfant, Il faut reconnaître que c’est malheureusement souvent utilisé comme matière à transaction.

Au-delà d’une prostituée qui échange une relation sexuelle contre de l’argent, une femme, comme vous et moi, pourrait échanger une relation sexuelle contre un foyer paisible, une attention particulière, ou même une promotion professionnelle. Il faut aussi se rappeler le terme de « devoir conjugal » qui pourrait nous faire plus penser à une corvée qu’à une partie de plaisir.

C’est à ce niveau que cet article m’a interpellée. Ne nous prostituons-nous pas tous d’une manière ou d’une autre ? Je ne peux pas décider ou juger de ce que les femmes peuvent faire de leur corps ? Dans ce sens je peux rejoindre un argument du libre marché de la prostitution. Si elles sont libres, si elles ont choisi de le faire, pourquoi pas.

Là où cet article me dérange, c’est qu’il dissocie l’acte sexuelle de la personne et l’assimile à la notion de travail comme tout autre tâche ménagère ou administrative. La réalité est que d’être assise à taper sur mon clavier ou affairée à dépoussiérer mon logis ne me touche pas d’aussi près que d’avoir une relation sexuelle.

Une relation sexuelle nous affecte à un niveau intime et profond. Si elle est consentie et agréable, elle peut nous procurer un sentiment de plénitude qui va au-delà de la sensation physique, mais qui touche à tout notre être, à nos pensées, à nos émotions. Par contre, si elle est contre notre gré elle nous impacte également d’une manière négative au-delà de notre corps physique, même parfois jusqu’à la souffrance que l’on voudrait oublier et effacer.

C’est pour cela que nous entendons parler du processus de dissociation de la personne dans le contexte d’abus sexuel. Cette dissociation nous pouvons la constater dans nos contacts avec les prostituées, car dans la rue, elles revêtent une autre personnalité, souvent avec un autre prénom. Avant de sortir, elles se mettent en condition en devenant quelqu’un d’autre.

Nous ne pouvons pas vraiment considérer le travail du sexe au même niveau que d’autres professions. En effet, c’est un des rares « métiers » pour lequel il n’y a ni formation, ni diplôme, ni évolution de carrière, ni toutes autres modalités diverses qui peuvent régir une profession (prescription de sécurité, convention collective, …). Les prostituées enregistrées payent l’assurance chômage, mais ne la toucheront jamais. La réalité c’est qu’une prostituée qui va demander de l’aide pour une réorientation professionnelle devient un gros grain de sable dans les rouages de l’aide sociale qui s’immobilisent bien vite.

Ce qui me dérange le plus lorsque nous parlons de travail du sexe, ce n’est pas tant le déni ou l’hypocrisie susmentionnée, mais surtout la déshumanisation de l’acte et de la personne.

L’acte sexuel est censé être le fruit d’une relation entre deux personnes et non la manière d’assouvir un besoin, qui n’est pas vital d’ailleurs. La prostitution est l’offre qui répond à la demande des clients d’être contenté dans leur désir sexuel. Du fait que la sexualité est quelque chose d’intime, il est difficile de définir les limites du désir et de ce fait de la prestation. Il est difficile de faire d’un acte relationnel un acte transactionnel.

Dans la même lignée, la prostituée n’est pas considérée par le client en tant que personne, mais plutôt comme un « outil » pour accomplir une tâche, même si cet outil est très sophistiqué. De plus lorsque le client fait son « achat », il en veut pour son argent, et même plus si c’est possible. C’est lui qui au bout du compte va définir le succès de la transaction. Dans la rue, les clients font leur shopping, négociant, comparant, évaluant la marchandise qui attend sur le trottoir. La prostituée est déshumanisée et le rapport de force n’est pas égal, car le client est dominant.

Tout en déshumanisant la prostituée, le client lui-même peut se déshumaniser en régressant à un niveau bestial où il faut assouvir un besoin sexuel. Même si le client ne cherche qu’à combler sa solitude, à soulager un besoin émotionnel, là aussi il utilise une personne et essaie de forcer une relation par la transaction. Comme pour toute drogue, après avoir profité du service tarifé, il retombera très vite dans la réalité de sa solitude et peut-être même avec de la culpabilité et une addiction en plus. Ceci contribuera d’autant plus au cercle vicieux que tant de monde vivent : Souffrance –> Échappatoire -> Souffrance.

Dans le cadre de Port’Espoir, nous ne pointons pas un doigt accusateur contre les prostituées, ni les clients d’ailleurs, car tous ont leur chemin de vie et leur fardeau. Par contre, nous savons fermement que la prostitution ne sera jamais une solution au problème, même si elle procure un soulagement temporaire.

Nous voulons être porteur de l’espoir que les souffrances du cœur peuvent être guéries et que les personnes peuvent croître vers une vie équilibrée dans tout leur être, car c’est là qu’ultimement se trouve la solution.

Vanessa Randewijk

 

 

 

 

 

 

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